Déboires d’un harrag d’occasion.
Pour immortaliser toutes les péripéties vécues lors d’un voyage en Algérie, j’ai tenu à enrichir mon blog de cette page que je soumets à la lecture des miens et des autres , enfin de tous ceux qui voudront prendre la peine de la lire.
Pour une affaire administrative relevant du tribunal d’Oran, je devais faire parvenir une procuration que j’ai donnée à un ami pour me représenter. Pour ce faire, la procuration a été établie au Maroc, pays de résidence habituelle, elle fut scannée et transmise par voie d’internet à un membre de ma famille pour lui demander si le contenu convenait à ces messieurs du Tribunal. On m’assura qu’on allait tenter de faire le nécessaire uniquement en présentant le document scanné.
D’un autre coté, j’avais impérativement besoin d’un document administratif d’Etat-civil à faire délivré de ma commune de naissance et en langue française. Grâce au concours d’un ami d’enfance ce document fut établi et remis à mon fils résidant à Oran.
Parce que le courrier entre l’Algérie et le Maroc n’étant pas très sûr, même par la voie du « Recommandé » on était resté là en attendant de voir si une importunité se présentait pour cet échange de document. Alors que je m’y attendais le moins du monde, j’ai reçu, le dimanche matin un coup de fil m’annonçant qu’il fallait à tout prix présenter l’original de ma procuration au plus tard le mercredi matin. Je n’avais plus le choix ; il fallait que je me déplace personnellement à Oran et je n’avais d’autre choix que de traverser la frontière par route en bravant l’interdiction gouvernementale instaurée en 1994. Je n’étais pas à ma première expérience.
J’ai décidé donc de prendre le train à 15 h 25 pour arriver à Oujda à 21 h 00 où J’avais pris soin de réserver ma chambre d’hôtel. Je suis entré en contact avec le passeur habituel pour lui annoncer mon expédition qui devait se dérouler le mardi très tôt. Aucune objection.
Donc j’arrivais à la gare de Fès vers 14 h 00 avec une très bonne marge d’avance sur l’horaire du train. Il y avait foule dans cette gare en raison des vacances scolaires. Les panneaux lumineux d’affichage étaient en panne et pour réunir toutes les mauvaises conditions pour un mauvais départ, les haut-parleurs annonçant les arrivées et les départ des trains étaient, ce jour là tout simplement muet.
Je pénétrais donc sur le pallier de la voie 1, et tout précautionneux que je suis, je stationné tout près de l’agent O.N.C.F chargé du contrôle de l’entrée des passagers afin de lui poser de temps à autre la question de savoir sur quelle voie partait le train en direction d’ Oujda. Puisque celui-ci allait venir de Tanger, le posais la question à chaque arrivée de train et a chaque fois je m’entendais dire par l’agent « mazel, mazel » (pas encore). A 15 h 00 , les voies 2-3- et 4 étaient occupées. Je reposais la question une fois de plus à l’agent qui me dit : le trains qui va entré c’est celui-là que vous prendrais. Vue la foule, je me positionnais afin de livrer la première bataille qui consistait à monter dans le train et s’octroyer une place assise car je ne me voyais pas faire le trajet Fès-Oujda debout.
Je me débrouillais tellement bien que j’ai choisis la meilleure place, installais mon cabas sur le porte bagage, sortais la revue que j’avais achetée pour occuper mon temps. Le wagon était de génération récente, et le climatiseur avait l’air de fonctionner. Je fus un peu surpris de ce progrès fait pas l’O.N.C.F qui d’habitude réservait des wagons plus anciens sur la ligne desservant la capitale de l’Oriental. A 15 h 20 le train s’ébranla et je fus un peu surpris qu’il partait d’abord avec 5 minutes d’avance et deuxièmement dans la direction opposée à celle que j’avais prévue. Je posais donc la question à mes voisins en leur demandant si c’était bien le train qui partait en direction d’Oujda. Avec un petit sourire ils m’informèrent que ce train se dirigeait vers Casablanca c’est-à-dire à l’opposé de celle que je devais prendre. L’intelligent et le précautionneux que je prétendais être, s’était fait prendre comme un « boujadis » ( ignorant, plouc). Mon épouse m’appelait sur mon portable pour me demander si j’avais bien pris le train. Je l’ai rassurer par un mensonge.
Mon voyage commençais très mal et superstitieux comme je le suis je me suis dit que ce voyage se terminerait certainement très mal. Dans d’autre circonstances j’aurais tout annulé . Mais ayant avisé les miens de mon arrivée prochaine à Oran je me suis dis qu’il ne me restait que le choix de continuer mon projet d’aller. Je descendais à Meknès et allais voir le Chef de Gare pour l’informer de ma mésaventure afin de pouvoir récupérer éventuellement le prix du billet, 105 Dh tout de même et la gratuité du retour jusqu’à Fès. Ce que j’ai obtenu sans grande difficulté. Il faut signaler que je n’étais pas seul dans mon cas puisque je fus consolé de voir une dizaine de voyageurs qui se trouvaient dans la même situation que moi.
Je pris le train en direction de Fès qui avait près d’une heure de retard. Je profitais de cette attente pour téléphoner à l’hôtel d’Oujda pour annuler ma réservation. Dès mon arrivée à mon point de départ, je filais dare dare vers la gare routière de Fès pour savoir s’il y avait un car pour Oujda. On m’annonça un qui partira à 23 h. Plus question de faire le difficile pour savoir s’il y avait la clime ou pas. Je pris mon billet et je saute dans un petit-taxi pour ramener à mon domicile. Il était 20 h 00. Penaud je rentrais chez moi à la grande surprise de mon épouse qui s’imaginait que je n’étais pas loin d’Oujda. Je lui fais le récit de cette mésaventure, profitais de cette escale pour faire toutes mes prières, souper en compagnie de ma femme et après un petit instant de repos je repartais vers 22 h 00 vers la gare routière.
Le car de la société « Sahara » arriva avec 20 minutes de retard. Après avoir embarqué les voyageurs et leurs bagages, le car repartait vers 23 h 40. Pas de clim et une odeur de pieds pas propres pestiférait l’habitacle. Après une demi heure de trajet l’odorat s’accoutuma et si ce n’est la chant que faisait une boite à vitesse un peu vieillit, on peut dire que le trajet s’était bien déroulé. Nous arrivâmes à la gare routière d’Oujda à 5 h précise. Les rues étaient encore désertes et seule une dizaine de petits taxis garés près du trottoir d’en face faisaient l’animation. J’en pris un et me dirigeai vers l’un des café se trouvant près de la Mosquée de Sidi Mohammed Ben Abdelaziz où je prendrai et mon petit déjeuner et mes médicaments en attendant mon passeur que je devais prévenir de mon arrivée.
J’arrivais au café « Pétra » situé au 52 bd Mohammed V aux environs de 5 h 30. Le café venait d’ouvrir les tables étaient déjà installés sur la terrasse. Je pris place dans l’une d’elles située à la droite de l’entré du café, posais mon cabas sur l’un des fauteuils et commandais un café crème avec un croissant. En attendant d’être servi j’ai pris mes médicaments. Sur la gauche de l’entrée du café étaient groupés sur une table quelques gens que je pensais être des consommateurs ordinaires. Après meilleur examen il s’est avéré que ce groupe était composé de quelques drogués ayant certainement passé la nuit à écumé la ville. L’un d’eux montra d’une manière quelques peu discrète mais assez visible pour que je saisisse toute la scène. Il lui montra ce qu’il cachait dans la ceinture de son pantalon : un grand couteau de boucher dont la lame faisait entre 25 et 30 centimètre qu’il glissa entre son ventre et son pantalon et recouvrit le manche ave son tee-shirt. Après cette exhibition il s’assit à ma droite de l’autre coté de l’entrée du café. Je fus très impressionné par la dimension de ce couteau mais surtout étonné d’un tel spectacle car il m’est arrivé très souvent de me trouver à ces heures-là et à ces endroits précis et je n’ai jamais rencontré de voyous. Ceci ne me rassurait pas.
Le garçon de café m’apporta mon petit déjeuner que je m’empressais de le consommer. J’ai profité de la présence du garçon de café pour lui demander le nom du café où je t’étais attablé. Il le confirma. Il s’agissait du café Petra. Je téléphonais à mon passeur pour lui indiquer mon point de chute afin qu’il vienne me récupérer de cet endroit. C’est d’ailleurs pour cela que je me suis attablé à la terrasse pour être bien en vue de mon passeur. Durant tout le temps où je consommais mon crème et mon croissant, j’observais discrètement mon indésirable voisin. Celui-ci, depuis que j’ai rangé mon portable dans son étui fixé à la ceinture, ne m’a plus quitté des yeux. Il me fixait avec un regard vitré de quelqu’un qui avait perdu beaucoup de ces facultés physiques. Son regard exprimé bien ses intentions. Il en voulait à mon portable.
Soudain il se leva, vint vers moi, la main droite brandissant de haut son énorme couteau et de sa main gauche se dirigeant vers mon portable. Rapidement j’étais sur pied, et de ma main droite je parais avec un coup sec sa main qui tentait de me prendre le portable et de ma main gauche et le regard fixé sur le couteau je tentais de parer à un éventuel coup. La scène me parut interminable par sa durée. Des consommateurs sont intervenus pour s’opposer à cette agression et à un moment j’ai cru que l’incident était clos. Non pas encore, il revint une fois à la charge toujours avec les même gestes. Là j’ai osé me défendre en lui donnant un coup de mon genou droit dans les parties bloqué par son pied gauche. Alors qu’il avait baissé un peu sa main armée du couteau j’ai pensé lui envoyer un direct du droit lequel n’a atteint que sa tempe sans un réel effet. Une fois de plus des consommateurs se sont intercalés entre nous et je profitais de ce cafouillage pour rentrer à l’intérieur de la salle. Dehors, les chaises et les tables commençaient à voltiger et je me disais que c’était un drôle de journée que commençait et le cafetier et moi-même.
Le patron du Café alerté, par ses employés, est venu en voiture. Le garçon me désigna du doigt en lui précisant que l’agression était commise sur ma personne. Il me demanda de patienter pour témoigner à la police et reparti aussitôt avec sa voiture à la poursuite du voyou. Mon passeur étant enfin venu, je lui ai dit que je ne voulais pas perdre de temps et que je voudrais continuer mon chemin c’est-à-dire traverser cette saloperie de frontière pour terminer mon voyage à Oran. C’est ce que nous avons fait.
A bord d’une vieille 505 Peugeot, complètement déglingué, mais toujours en marche, nous roulions en direction de la frontière pendant quelques kilomètres. Tout en roulant, je ne cesser de penser à ce que je venais de vivre et surtout comment se fait-il que pas une goutte de sang ne soit versée. Cela relève du miracle ou tout simplement de cette bénédiction parentale à laquelle je crois beaucoup. OUI encore une fois Dieu est venu à mon secours sans doute imploré par les prières de mes pauvres parents décédés. Puisse Dieu vous bénir là où vous êtes mes chers parents !
A la vue d’un barrage routier, mon chauffeur braqua à gauche et contourna plusieurs ruelles pour enfin se retrouver sur une voie communale, et puis la piste. Ah cette piste ! Il faut vous dire que pour les ponts et chaussées, les pistes reconnues sont classées en trois catégories allant de A à C la dernière étant la plus infecte et la plus difficile à rouler dessus. Notre piste n’était pas du tout cataloguée puisque tracée par des passeurs à travers des champs pour les besoins de leur commerce somme toute florissant, et si elle devait être classée elle n’aurait pas eu une lettre avant la lettre M qui signifierai M….. Mais j’ai déjà subit ce genre situation et je ne m’en faisais pas du tout, bien heureux surtout que je puisse continuer mon chemin en entier et sans blessure surtout. Durant tout le temps du trajet le passeur ne cessait d’appeler sur son portable sa correspondance algérienne qui devait prendre le relais à un endroit déterminé entre eux.
Nous y arrivâmes enfin. L’ endroit était clôturé, inahbité, et où étaient entassé d’innombrables fut en plastiques ayant servis très probablement à emmagasiner du carburant venu illégalement d’Algérie. Un gros tuyau en plastique était là parterre et c’’est à se demander s’il n’allait pas servir de pipe-line. Nous attendions là une petite demi heure jusqu’à l’arrivé d’un homme qui gesticulait à quelques cinq mètres de là à la lisière d’une olivaie. J’ai payé mon passeur marocain 200 Dhs, pris mon cabas et me voilà crapahutant a travers champs à la rencontre de mon nouveau relai de passeur.
Il était à pied. Il me dit qu’en ce moment, la surveillance frontalière était plus sévère et donc on ne pouvait plus utiliser de voiture. Nous marchâmes bien pendant 7 à 10 minutes et arrivés près d’une bicoque d’où il extirpa un vélo moteur sur lequel nous allons poursuivre notre chemin. Il mit le cabas devant lui pendant que je prenais place sur la place arrière dénuée de siège et de repose pieds et nous voilà partis zigzagant au milieu de cette piste qui, à mon sens, ne menait nulle part. Nous arrivons devant un poste de militaires chargé de la surveillance de cette frontière. Mon motard s’arrêta devant le soldat en faction. Celui-ci demanda à voir mon cabas et me questionna sur son contenu. Je lui ai répondu qu’il ne contenait rien d’autre que mes médicaments et mes objets personnels pour me changer éventuellement. Il me cru sur parole et nous reprenions notre épopée de cyclo-cross. Encore cinq minutes à peu près de piste rocailleuse, nous arrivâmes enfin à une ferme. J’avais mal à mon postérieur. Après une halte champêtre d’un petit quart d’heure entouré de poules, de coqs et de mouton, je pris place à l’arrière d’une autre 505 Peugeot qui me conduisit jusqu’à Maghnia. A bord de cette voiture avaient pris place également en plus du chauffeur deux autres personnes qui semblaient se connaitre. Tous tenaient un téléphone portable et les appels ne manquaient pas. On se croirait dans une téléboutique. Après une vingtaine de minute de route nous arrivions à la fin de notre périple et je me séparai de ce monde non sans avoir préalablement payé 2 000 Dinars à celui qui semblait être le chef de bande. Il tenta timidement de m’arracher encore 500 dinars de plus et j’opposais alors un courtois refus.
Ayant réservé ma place dans un taxi jaune (intercommunal), j’ai tenté d’acheter une puce téléphonique puisque le roaming entre le Maroc et l’Algérie ne fonctionnait pas suite à des problèmes que l’opérateur téléphonique Djezzy avait avec le gouvernement Algérien. On m’exigeait une photocopie certifiée conforme de ma carte d’identité ce que je ne pouvais fournir. Cela m’a fait penser à l’Etat algérien qui voulait relancer le tourisme. Comme par habitude Il s’y prenait encore une fois très mal. A 9 h 00 précise notre taxi pris la route en direction d’Oran où nous arrivions vers 11 h 15. Nous étions le 12 avril 2011.
J’ai accompli une formalité administrative le lendemain mercredi 13, et après avoir rendu visite à mes enfants, à mon frère, à ma sœur et à leurs enfants, récupéré des documents d’Etat-civil , je repartais d’Oran le Jeudi 14 à 7 h du matin pour retourner au Maroc toujours via cette frontière fermée par les autorités algériennes et en espérant surtout avoir moins de mal à la traverser. Mes fessiers n’avaient pas encore totalement récupérés de l’exercice auquel ils furent soumis deux jours plus tôt. Je rappelle que le motif essentiel de cette expédition qui n’était pas exempte de risque, était surtout la remise d’une procuration et la récupération de mes documents d’Etat-civil. Dans des pays qui se respectent, les services de la poste pourraient amplement remplir cette mission à moindre coût, de risques et de fatigue. Mais nous avions a faire en Algérie, pays indépendant depuis près de 50 ans et qui patauge encore dans l’organisation de ses services publics pour le grand malheur de ces citoyens.
Il était 7 h du matin lorsque le taxi chargé de six passagers, s’ébranla en direction de Maghnia où nous sommes arrivés à 9 h 15. Ayant acheté une Puce téléphonique j’avisais mon fils que je suis bien arrivé à Maghnia et que les choses sérieuses allaient commencer. Magnéto Serge !
Désirant éviter la phase du motocycliste, je me suis rendu chez un commerçant qui en plus de son activité commerciale, il était un relais de ces passeurs. Je lui ai raconté mes déboires de ma venue en Algérie et il m’a assuré que les passeurs avec qui il travaillait assuraient un passage grand confort à leurs passagers puisque ces derniers ne faisant que se transborder d’une voiture algérienne à une autre marocaine. Comme il m’est arrivé de le faire déjà par le passé. Je lui confirmé donc ma volonté de faire la traversée. Après une demi-heure d’attente, une voiture arriva et il me demanda de suivre le chauffeur. Je prenais place donc cette voiture et nous voilà partis pour l’aventure. Le chauffeur fit plusieurs courses avant de prendre la direction de la frontière. Il commença par faire son marché qu’il déposa chez lui, puis passa chez un Boulanger d’où il acheta un pain tout chaud et ce n’est qu’après il prit la direction de la frontière. Tout en roulant, je lui fais part de mes déboires vécues à l’aller. Il ne dit mot, mais m’informa qu’aujourd’hui la surveillance de la frontières était plus sévère en raison de l’arrivée du Président Bouteflika à Tlemcen pour l’inauguration de la cérémonie « Tlemcen capital de la culture islamique ».
Après avoir roulé sur la route nationale, il bifurqua à gauche pris un chemin vicinal quelques minutes, puis une piste pour finalement arriver à la ferme qui a été mon point de chute lors de ma traversée. Je lui ai fait part de mon désaccord en lui disant que sont relais à Maghnia m’avais assuré que la traversée allait être toute autre que celle que j’ai vécue il y a 2 jours. Pour toute réponse, il me dit qu’en raison de l’arrivée de Bouteflika à Tlemcen aujourd’hui nous ne devrions pas travailler car cela était très risqué aussi bien pour eux que pour les passagers. Comme pour me prouver tout cela, il m’ordonna d’aller me cacher dans le poulailler car trois voitures de gendarmes ou de douaniers passaient non loin de là. Je m’exécutai tout en suivant l’événement à travers la porte laissée entrebâillée. En effet à 100 mètres de distances trois 4 x 4 de la gendarmerie passaient à très faible allure à deux cent mètres delà. Après qu’ils furent hors de vue, mon chauffeur parti et me laissa seul avec celui qui m’avait charrié sur sa motocyclette. Celui-ci téléphona à l’aide de mon portable au soldat de garde afin de s’assurer de l’absence des gendarmes. Il lui répondit qu’il fallait encore attendre environ une heure encore avant que le chemin ne soit sécurisé.
Je m’installais sous un figuier au milieu des poules et des coqs. Une gamine âgée de neuf années accompagnée de son frère vint me tenir compagnie. Histoire de meubler mon temps j’entamais une conversation avec elle. Elle était très éveillée pour son âge alors que je pensais que les ploucs étaient plus ou moins attardé dans leur façon d’être. Encore un syllogisme hélas ! Mon fils m’appela pour avoir de mes nouvelles et je profitais de l’occasion pour lui décrire le tableau champêtre dans lequel je vivais à cet instant. Je reprenais ensuite ma discussion avec ma gamine qui m’apprit que l’homme à la motocyclette s’appelait Khalid et qu’il mentait comme il respirait. Je devinais le but de l’entretien qu’elle m’accordait et j’ai pris une pièce de 50 dinars que je lui remis. Elle ne s’est pas fait prier pour la prendre. Pendant notre discussion un autre 4 x4 de la gendarmerie passait au loin faisant le chemin inverse de tout à l’heure. Sans-doute il rentrait au campement que l’on apercevait au loin à un kilomètre environ à vol d’oiseau.
Entre-temps mon Khalid qui était parti avec sa moto en éclaireur revint et me disant qu’il fallait qu’on traverse. Il me demanda de m’installer à l’arrière de sa motocyclette. Je n’avais pas d’autre choix que de m’exécuter et nous revoilà parti, lui en zigzagant et moi tenant difficilement l’équilibre, cramponné à la scelle de ce motocycle, les pieds ballants. Tenir l’équilibre dans cette situation n’est guère facile puisqu’il zigzaguait sans cesse sans doute en raison de l’état de cette piste qui finalement ne servait qu’à ce genre de déplacement.
Soudain il me dit qu’on été poursuivit et que je devais sauter de la moto. Je fus apeuré sans doute, et pensant que j’avais encore l’agilité de mes vingt ans, je sautais, mais compte tenu des dénivellations et de l’état de cette piste ce qui devait arriver, arriva. Fatalement Je me pris un plongeon d’où je me relevai de suite. J’avais des marques de cette chute sur mon blue-jean ainsi que sur mon blouson couleur moutarde que je mettais pour une première fois.. Heureusement qu’il n’y avait aucune trace de déchirure. Je repris mon chemin à pied en pestant contre ces fumiers de passeurs qui n’hésitaient pas à faire subir des misères à ces malheureux « harrags ». Alors que mon Passeur s’était envolé avec mon cabas je ne m’inquiétais pas outre mesure de mon bagage mais je me hasardais à me retourner pour voir était ceux qui nous suivaient. Il n’y avait personne. J’ai fini mon chemin à pied environ cinq cents à six cents mètre pour rejoindre mon passeur qui m’attendait devant cette petite cabane qui lui servait d’abri pour son vélomoteur. Après avoir gueulé je l’ai quand même payé deux mille dinars. Il en voulait plus et je lui ai juré qu’il n’aurait pas un centime de plus en raison de traitement qu’il venait de me faire subir. Nous arrivions au terme de notre partie de voyage puisque nous étions arrivés pratiquement à la frontière algéro-marocaine. Je voyais à quelques centaines de mètres la ferme abandonné qui a servi de fin au premier relais effectué à l’aller.
Je pris mon cabas et me voilà reparti, crapahutant encore à travers champs pour rejoindre mon dernier relais. Je fus accueilli par deux hommes dont un semblait être en dehors de toute tractation. Je pensais retrouver mon premier passeur marocain d’Oujda puisqu’on m’avait assuré que c’était lui qui allait prendre le relais. Hélas, il n’en fut rien. La personne qui le remplaçait n’avait rien d’autre comme moyen de locomotion qu’un vélomoteur. Eh oui encore un autre. Je pestais fort contre cela et avec calme mon interlocuteur me dis qu’il n’y a pas d’autre moyen pour rejoindre Oujda du fait que ce jour aucune traversée ne s’est faite en raison de la vigilance qui s’était accentuée en raison de cette fameuse visite du Président Bouteflika à Tlemcen.
N’ayant pas d’autre choix, je me résignais à prendre place sur la place arrière du vélomoteur. Même s’il n’avait pas de siège cet engin avait quand-même des repose-pieds ce qui m’a permis de tenir un meilleur équilibre. Nous avions parcouru une dizaine de kilomètre sur une piste plus carrossable que celle sur laquelle j’avais chuté. Après quoi nous avions emprunté un route vicinale. Après quelques kilomètres il s’arrêté devant un bonhomme qui avait devant lui de grandes bouteilles en plastique rempli d’essence et de gaz-oil. C’était la station d’essence puisque tout le long de cette frontière et jusqu’à Oujda même ces petits trafiquants avaient peu à peu remplacé toutes les stations de carburant qui avaient existé dans la ville d’Oujda puisque les produits vendus, venus en contrebande d’Algérie, étaient vendus nettement moins chers.
Nous avions repris notre chemins et nous avions fait encore une bonne dizaine de kilomètres pour finalement entré à Oujda ville. A ma demande il me déposa devant le café « Petra ». Il était presque midi. Avoir perçu son dû (deux cent dirhams) il me quitta en s’excusant du peu de confort qu’il m’avait prodigué durant son trajet.
Je me suis installé à la terrasse du café, et j’ai tout de suite pris le soin de dépoussiérer aussi bien mes chaussures que mes vêtements. Comme par un curieux hasard, les cireurs qui d’habitudes pullulaient dans le boulevard étaient totalement absent. J’ai demandé au Garçon de café les suites de l’agression dont je fus victime trois jours avant. Il me disait qu’en définitif mon agresseur a pu s’enfuir malgré toute la meute d’hommes lancés à sa poursuite. J’en concluais qu’il n’était pas si drogué qu’il n’en avait l’air et encore une fois je remercie Dieu de m’être tiré d’affaire sans dommage de ce voyou.
Je me rendis de suite à la Gare des chemins de fer d’Oujda d’où je pris le train de 13 h 00 pour Fès.
A peine installé dans un confortable wagon, je pris soin de téléphoner à mon fils afin de le rassurer de l’issue heureuse de cette maudite traversée que je ne suis pas prêt d’oublier.
Il était près de vingt heures lorsque j’arrivais chez moi certes fatigué mais content de retrouver mon chez moi et de rassurer mon épouse qui s’est beaucoup inquiétée durant tout le temps de ce périple. J’étais encore en entier, sain et sauf et je ne dois cet état qu’à la bénédiction parentale qui m’a accompagné tout au long de cette affreuse traversée d’une frontière fermée par une décision absurde et incohérente de l’Etat Algérien.
BENOUALI ABDELDJALLIL